La pêche des crevettes côtières s’effectue sur les populations de, (i) Fenneropenaeus indicus (White), (ii) Metapenaeus monoceros (Pink), (iii) Penaeus semisulcatus (Brown), (iv) Penaeus monodon (Black ou Camaron) et (v) Marsupenaeus japonicus (Tiger), occupant les fonds vaseux ou sablo- vaseux jusqu’ à – 30 m de profondeur sur les côtes Ouest et Est malgaches. Cette activité qualifiée de pêche séquentielle est pratiquée par trois (3) segments bien distincts : la pêche traditionnelle, la pêche artisanale et la pêche industrielle.

La pêche traditionnelle

La crevette ne faisait pas l’objet d’une attention particulière de la part des communautés locales centrées sur les activités agricoles et /ou pastorales avant les années 60 si l’on excepte, d’une part l’ethnie Vezo du Sud-Ouest malgache connue pour être depuis toujours des pêcheurs nomades et d’autre part la population de la baie d’Ambaro au Nord-Ouest, qui pratique la pêche au barrage côtier ou « valakira ».

A partir des années 60, la valorisation de la crevette a attiré l’attention de l’ensemble des communautés locales sur celle- ci et la pêche traditionnelle de cette ressource halieutique a eu un développement soutenu avec des pointes liées à des afflux massifs des migrants venus des sites de pierres précieuses en épuisement ou et / ou des zones de culture de rente (cf. vanille, café …) 

en difficultés du fait des variations imprévues des cours sur les marchés mondiaux.

L’embarcation utilisée est la pirogue monoxyle (cf. tronc d’arbre évidé …) avec balancier sur la côte Ouest et sans balancier sur la côte Est. Elle est mue à la voile ou à la pagaie. Les engins de pêche sont variés : sennes tournantes ou « kaokobe », filets maillants, barrages fixes ou « valakira », filets moustiquaires…Certains comme les « poto » ou les « vonosaha » qui ciblent spécifiquement les crevettes juvéniles dans les chenaux de mangroves sont prohibés.

Depuis le début des années 2000, la production est estimée à 3400 T/ an de crevettes entières. Celle- ci est composée essentiellement de crevettes juvéniles et est écoulée à 80% au minimum sur le marché local ; la différence étant collectée pour l’exportation.

La pêche artisanale

Un projet de la FAO au début des années 70 avait lancé la pêche de la crevette avec des embarcations motorisées à 25 CV au départ (cette puissance avait été portée à 50 CV par la suite) et utilisant un petit chalut viré manuellement. La flottille artisanale avait augmenté progressivement et atteint le nombre de 36 mini- chalutiers artisanaux au début des années 2000. Une décroissance avait été enregistrée ultérieurement et en 2010, la pêche artisanale crevettière a totalement disparu.

La production maximale atteinte par cette activité a été de 800T environ de crevettes entières en 2003 (cf tableau 1).

Cette production est exportée soit directement par les sociétés artisanales elles- mêmes quand elles disposent d’installation de conditionnement aux normes sanitaires voulues à terre, soit par le biais des sociétés de pêche industrielle qui sont toutes dotées des installations à terre agréées pour ce faire.

Les productions annuelles en tonnes de crevettes entières,toutes sociétés confondues,sont représentées dans le tableau 2.

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
548 806 593 548 483 410 395 127 0
Tableau 1 : Captures en tonnes de crevettes entières de la pêche industrielle

La pêche industrielle

Si les possibilités du chalutage industriel de la crevette ont été pressenties dès 1951 avec les prospections effectuées par l’ORSTOM (devenu IRD), il a fallu attendre 1963 pour qu’une première unité navale opérant sur une base commerciale fasse apparition dans les eaux malgaches (cf. le « Chidorigo »).

L’exploitation industrielle ne débute réellement toutefois qu’en 1967 sur la côte Ouest avec quatre armements : la SIPMAD (Société Industrielle de Pêche de Madagascar) basée à Ambilobe, la SOMAPECHE (Société Malgache de Pêcherie) basée à Mahajanga, la GPO (Grande Pêcherie de l’Ouest) basée initialement à Morondava et qui s’était transférée par la suite sur Mahajanga et les PNB (Les Pêcheries de Nossi- Be) basée à Nosy Be. Sur la côte Est, la pêche commerciale de crevettes par chalutage devient effective en 1981 avec l’entrée en lice de la REFRIGEPECHE.

La pêche industrielle crevettière s’était développée progressivement par la suite, d’une part avec l’arrivée de nouveaux armements dont certains éphémères et d’autre part la conversion à l’exploitation crevettière des sociétés déjà existantes mais orientées vers d’autres ressources (langoustes, crabes …). L’effectif maximal de la flotte industrielle crevettière a été de 70 unités au début des années 2000 sur la côte Ouest et de 13 unités en 1997 sur la côte Est.

Des regroupements d’armements ont eu lieu par la suite et les abandons et/ou réduction d’activités aidant du fait de la crise que traverse la filière crevettière depuis quelques années maintenant, l’effectif de la flotte est réduit en 2011 à 34 unités sur la côte Ouest et à 3 unités sur la côte Est. Les armements détenteurs de droits de pêche et officiellement en opération sont en 2011 :

CRUSTAPECHE ;

LES PECHERIES DU MELAKY ET DU MENABE ;

PECHEXPORT ;

LES PECHERIES DE NOSSI- BE ;

REFRIGEPECHE

SOMAPECHE ;

SOPEMO.

Les productions annuelles en tonnes de crevettes entières, toutes sociétés confondues, sont représentées dans le tableau 2.

FILIERE.PECHE Captures (en tonne) Chiffres d’affaires crevettes
(en millions d’Ar)
2001 8 902 73.843
2002 9 823 83.310
2003 9 506 73.843
2004 7 918 115.259
2005 6 038 83.712
2006 6 385 101.848
2007 5 387 76.768
2008 3 532 44.264
2009 3 880 49.079
2010 3 227 41.424
2011 4 280 56.027
2012 3 796 54.613
2013 3 485 56.681
2014 3 677 68.043
2015 3 857 70.830

Source : Observatoire Economique de la Pêche et de l’Aquaculture de Madagascar, 2015

Une gestion évolutive et responsable…….

Les premières dispositions réglementaires relatives à la gestion de la pêcherie traditionnelle crevettière sont celles du Décret n° 2007- 957 du 31 Octobre 2007 (cf. articles 10 à 18) qui :

Prononce le gel de l’effort de pêche ;

Jette les bases, d’une part de l’inventaire des engins de pêche et des pêcheurs, et d’autre part de la professionnalisation de ces derniers ;

Spécifie les engins prohibés.

Les arrêtés d’application de ces dispositions ont été pris début 2009 mais la crise politique aidant,ils sont restés lettre
morte jusqu’à maintenant.

Le premier texte réglementaire relatif à la pêche artisanale et industrielle ou plus précisément relatif au chalutage crevettier
est le Décret n° 71- 238 du 18 Mai 1971, modifié par le Décret n ° 73- 171 du 22 Mars 1973, qui :

Institue le système des licences de chalutage ;

Créée la « Commission Interministérielle des Pêches » (CIP) dont l’avis est requis avant toute délivrance de licence par l’Administration Halieutique ;

Impose la fourniture à l’Administration Halieutique par les détenteurs de licences, de données statistiques de pêche ;

Définit les caractéristiques techniques des engins de pêche autorisés (longueur de corde de dos, maillage …) et précise les zones interdites.

Certaines dispositions du Décret n° 94- 112 du 18 Février 1994 portant organisation générale des activités de pêche maritime ont des impacts sur le chalutage crevettier :

Subordination de la délivrance des licences au paiement d’une redevance ;

Catégorisation des navires de pêche commerciale et réservation du chalutage crevettier à certaines catégories de navires ;

Détermination de la puissance motrice maximale des chalutiers.

Ultérieurement, le Décret n° 2000- 415 du 16 Juin 2000 instaurait le gel de l’effort de pêche et introduisait la notion de performance dans le chalutage crevettier, tandis que l’ « Observatoire Economique de la Filière Crevettière » (OEFC) créé par le même décret était chargé d’évaluer les performances économiques des différents armements et de déterminer le montant des redevances au regard de celles- ci. La délivrance de nouvelles licences et /ou la distribution géographique des licences existantes étaient effectuées aussi au regard de ces performances économiques.

Les résultats en matière de gestion des ressources crevettières en référence aux performances économiques des armements n’ayant pas été probants, un nouveau système de gestion du chalutage

 crevettier fut mis en place : application de la notion d’unités d’engins selon le modèle australien, et ce par le Décret n° 2007- 957 du 31 Octobre 2007. Dans ce décret, la place de l’OEFC dans la gestion de la pêcherie est confirmée ainsi que celle, d’une part du « Programme National de Recherche Crevettière » (PNRC) chargé de fournir à l’Administration Halieutique des informations scientifiques sur la ressource et d’autre part, du « Centre de Surveillance des Pêches » (CSP) chargé comme son nom l’indique, de faire respecter les différentes dispositions réglementaires par les exploitants de ressources halieutiques.

Cet inventaire rapide des textes traitant de la gestion de la pêcherie serait incomplet si on ne fait pas mention de l’Ordonnance n° 93-022 du 04 Mai 1993 portant règlementation générale de la pêche et de l’aquaculture. L’ordonnance entre autres, (i) énonce les différentes catégories de pêche , (ii) créée une commission de la pêche et de l’aquaculture au niveau national, (iii) instaure le principe des plans d’aménagement et de conservation des stocks, (iv) énonce les grandes lignes des conditions d’exercice de la pêche, (v) définit le régime juridique de la pêche et de l’aquaculture et (vi) fixe les conditions d’importation et d’exportation des produits de la pêche en matière de qualité et de salubrité.Cette ordonnance est actuellement en cours de refonte.

Par ailleurs, il convient de souligner que des ateliers regroupant l’Administration, les opérateurs économiques et tous les partenaires techniques et / ou financiers concernés par les activités de pêche crevettière, ont été organisés périodiquement pour, (i) faire le point en matière de pêche crevettière et (ii) définir les mesures d’aménagement de cette activité. Ces ateliers ont été organisés en 1996, 1998, 2000, 2003 et 2005.

Un souci : protéger la ressource et l’Environnement…

L’Administration Halieutique et les pêcheurs artisanaux et industriels ont toujours été soucieux de préserver les populations crevettières et leur milieu, et différentes dispositions règlementaires ont été prises au regard de cette préoccupation :

Détermination des caractéristiques des chaluts (longueur de corde de dos, maillage …) afin que les ponctions ne s’effectuent que sur les crevettes adultes et ce à un taux non incompatible avec le renouvellement des stocks exploités ;

Fermeture saisonnière de la pêche coïncidant avec les périodes de recrutement maximal sur les fonds chalutables ;

Fixation d’une puissance motrice maximale des chalutiers ;

Prise en compte des avis des scientifiques lors des prises de décision sur la gestion de la pêcherie.

Les espèces de poissons et les tortues marines qui fréquentent les mêmes fonds que les crevettes et qui sont capturées accidentellement avec ces dernières, ont fait l’objet aussi de dispositions règlementaires spécifiques :

Pour éviter autant que faire se peut les rejets de poissons d’accompagnement, les débarquements de ces derniers selon une certaine proportion par rapport aux crevettes capturées ont été imposés ;

Ultérieurement, l’installation du « Bycatch Reducer Device » (BRD) sur les chaluts a été décrété afin de réduire le volume des captures en poissons d’accompagnements ;

Organisation de campagnes de marquage de tortues marines capturées par les chalutiers, puis abandon desdites campagnes (sauf sur la côte Est …) suite à l’installation obligatoire de « Turtle Excluder Device» (TED) » sur les chaluts.

Ce souci envers les ressources halieutiques et l’Environnement marin s’est exprimé encore récemment : enclenchement de la procédure d’écocertification à termes de la pêcherie crevettière malgache selon les critères et standards de la  « Marine Stewardship Council » (MSC).

Le « Projet d’appui à la Gestion Durable de la Ressource Crevettière » (PGDRC)

Le PGDRC s’inscrit dans le cadre d’appui à long terme de l’Agence Française de Développement (AFD) et du Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) au secteur crevettier malgache. Suivant la convention de financement CMG 1167 01 T signée en 2001 et la convention de financement CMG 1182 01 P en 2002, il est construit comme un appui sectoriel à la définition et à la mise en œuvre des règles de co-gestion entre l’Etat et les professionnels en vue d’une gestion durable de cette ressource. Après quatre prorogations de ces conventions de financement, le projet a duré 10 ans et sa clôture définitive est prévue le 31 Décembre 2011.

L’ensemble des activités réalisées dans le cadre du PGDRC a été mené à travers les cinq composantes du projet :

La composante « Zone d’Aménagement Concerté » ou ZAC mise en place dans les zones de concurrence entre la pêche industrielle et la pêche traditionnelle. Ses activités ont jeté les bases d’une structuration et d’un encadrement de la pêche traditionnelle qui sont des étapes indispensables à la participation de ce segment de la pêche crevettière à la co-gestion de la ressource.

La composante « Infrastructures portuaires » a permis l’aménagement du port de Toamasina en créant une zone pour le levage et l’entretien de navires de pêche avec un plan incliné et une grue de levage, ainsi que l’étude d’aménagement du port de Mahajanga.

La composante « Surveillance des pêches » a été réalisée sous forme de financement d’équipements de surveillance terrestres, maritimes et aériens ainsi que d’un appui continu du Centre de Surveillance des Pêches (CSP) dans la surveillance satellitaire des navires de pêche et dans la constitution d’une base de données sur l’activité de pêche, données servant à la fois d’outil de surveillance et de pilotage de l’effort de pêche.

La composante « Renforcement de l’organisation professionnelle » a permis au GAPCM de bénéficier de toutes les missions d’appui du projet, dont il est le commanditaire, afin qu’il soit le principal moteur de la définition et de la mise en œuvre du dispositif de co-gestion de la pêcherie crevettière.

La composante « Environnement » avec le financement de FFEM a permis de contribuer aux efforts de la profession dans les prises de décisions concrètes pour le développement de la pêcherie respectueux de l’environnement et de l’Etat dans l’adaptation du dispositif règlementaire et de surveillance en matière de gestion durable.

Durant ces dix années, tous les différents aspects de la filière pêche et aquaculture crevettières ont bénéficié de l’appui du PGDRC et des acquis indiscutables ont été obtenus. En particulier, le projet a permis (i) la création des outils de gestion que sont, le « Programme National de Recherche Crevettière » (PNRC), l’ « Observatoire Economique de la Filière Crevettière » (OEFC) et le « Centre de Surveillance des Pêches » (CSP), (ii) la répartition équitable des richesses créées entre l’Etat, les ménages et les entreprises, (ii) la mise en place d’une réglementation adaptée et (iv) la protection de l’Environnement. Face à la crise actuelle que subit le secteur, ces acquis nécessitent des ajustements techniques et politiques pour un rétablissement rapide et efficace dudit secteur.

Une crise à surmonter…

Depuis l’année 2005 marquée par une chute brutale des captures, la pêche crevettière est en crise : aux chutes successives des captures qui sont passées de 8652 T en 2002 à 3143T en 2010 (cf tableau 2), se sont ajoutés, (i) la hausse des charges liées à la flambée du prix du pétrole et (ii) l’effondrement des cours crevettiers sur les marchés internationaux.

On est réduit jusqu’à présent à des hypothèses pour expliquer la dégradation des stocks crevettiers exploités par les pêcheries artisanale et industrielle :

Réduction drastique des recrutements sur les fonds chalutables du fait d’une ponction exagérée en amont par la pêche traditionnelle sur les crevettes juvéniles;

Modification des conditions hydro climatiques de la province maritime comprenant Madagascar et la Côte Est Africaine, du fait des variations de direction et intensité du courant El Nino dans le Pacifique et /ou du fait des impacts du tsunami de fin 2004 au large d’Indonésie (les captures et les rendements par bateau de la pêcherie industrielle malgache varient en effet de manière synchrone avec ceux de la pêcherie industrielle mozambicaine …).

Des mesures sont prises ou vont être prises pour faire face, autant que faire se peut, à cette crise :

Réglementation de la pêche traditionnelle ;

Protection des zones de nurserie de crevettes (cf. mangroves) ;

Campagnes de promotion de la « Crevette de Madagascar » ;

Conversion des moteurs de chalutiers et de ceux des installations à terre des sociétés crevettières, pour pouvoir utiliser de l’huile végétale ;

Diversification d’activités des armements crevettiers.