Des potentialités…

Madagascar dispose de tannes propices et aménageables pour la culture de crevettes évalués à près de 15 000 ha de surface brute ou à 11 000 ha de surface nette sur la côte Ouest et, dans ses eaux marines, de l’espèce Penaeus monodon considérée comme l’une des plus performantes en matière d’aquaculture. Grâce à ces potentialités, l’aquaculture industrielle et artisanale/familiale de crevettes a été développée à Madagascar. C’est une activité qui a démarré au début des années 1990.

Une activité récente et intégrée…

Suite aux résultats prometteurs du projet « Ferme Pilote d’Aquaculture de Crevettes » financé par PNUD/FAO, mené au site du Cratère de Nosy Be et piloté par la société Les Pêcheries de Nossy Be (PNB), la mise en place de la première ferme crevetticole malgache AQUALMA du Groupe UNIMA a démarré en 1992 à Mahajamba. Sa production n’a cependant débuté qu’en 1994 avec un tonnage de 406 tonnes. A partir de 1995, d’autres fermes industrielles se sont installées : AQUAMEN E.F. en 1995 au Nord de Morondava à proximité de Belo sur Tsiribihina, SOMAQUA en 1997 à Boanamary dans la région de Mahajanga, ACB la deuxième ferme du Groupe UNIMA à Besalampy, AQUAMAS en 1999 à Soalala, LGA/OSO en 2001 à Ambavanankarana dans la région d’Ambilobe et AQUABIO en 2002 dans la région de Mahajanga. Toutes les sociétés crevetticoles sont des entreprises franches.

Le système d’élevage semi-intensif avec pompage mais sans aération, qui est bien adapté au contexte des grandes surfaces d’élevage et aux conditions environnementales de Madagascar, est appliqué dans toutes ces fermes. Deux cycles d’élevage de 150 jours en moyenne sont réalisés par an et les crevettes produites pèsent environ 35g.

Toutes ces grandes fermes industrielles disposent de leur propre écloserie pour alimenter leurs bassins d’élevage en post larves, avec une densité maximale d’ensemencement de 20 post larves/m2, et de leur usine pour le traitement et le conditionnement des crevettes produites. Toutes ces usines sont agréées, permettant aux sociétés d’exporter leurs productions vers les pays membres de l’Union Européenne ou vers les pays d’Asie. Face à la concurrence mondiale et aux exigences des marchés, les sociétés fournissent de gros efforts dans la conduite de leur élevage et

du traitement de leurs produits pour l’obtention de crevettes labellisées, à l’exemple du « Label Ikizuki » (à manger crue) au Japon des crevettes du Groupe UNIMA ou du « Label Bio » des crevettes de la société LGA/OSO. Les aliments des crevettes constituent le premier poste de charges de la crevetticulture. Pour le moment, ces aliments sont encore constitués de provendes d’importation et certaines sociétés ont déjà pensé à intégrer une provenderie dans leur système de production. Avec l’appui de l’Agence Française de Développement (AFD) et celui du Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM), des recherches sont en cours pour substituer dans ces provendes, la farine de poisson très onéreuse et à forte empreinte carbone par de la farine végétale de bonne digestibilité et/ou de la farine de l’insecte Hermetia illucens.

Au centre des préoccupations : l’Environnement…

La qualité de l’Environnement est primordiale en aquaculture. Chaque société s’est conformée aux dispositions du décret MECIE ou « Mise en Compatibilité des Investissements avec l’Environnement » dont le suivi est assuré par l’Office National pour l’Environnement (ONE). Dans ce cadre chaque société a mis en œuvre des programmes, (i) de monitoring des eaux en amont et en aval de la ferme de production, (ii) de veille sanitaire et (iii) de restauration des mangroves. Des programmes de reboisement sur la terre ferme sont aussi entrepris, pour satisfaire les besoins de toute la population des sites d’implantation.

Les sites de production aquacole sont construits sur des tannes qui sont des terres d’arrières mangroves et qui se trouvent dans des zones enclavées. Pour une bonne intégration de cette activité dans ces zones, l’implantation des infrastructures a nécessité des sensibilisations, des concertations et des accords des populations locales. La plupart sinon toutes les sociétés ont participé au désenclavement de ces zones et ont créé des infrastructures de base pour les villages et les communes environnants : routes, débarcadères, écoles, centres de santé de base, adduction d’eau potable, marchés, postes de gendarmerie….

Un développement soutenu et puis une crise…

Bien intégrée sur le plan technique et technologique, social et environnemental, l’aquaculture industrielle des crevettes a connu un essor considérable. Sa production n’a cessé d’augmenter depuis le début de l’activité et a même dépassé la production de la pêche à partir de 2005 (tableau 1).

FILIERE.AQUACOLE Captures (en tonnes eqc*) Chiffres d’affaires crevettes
(en millions d’Ar)
2001 5 195 55.913
2002 5 916 71.458
2003 6 800 77.947
2004 6 176 104.612
2005 7 661 121.535
2006 7 278 132.670
2007 8 354 141.252
2008 7 332 110.169
2009 5 442 96.546
2010 4 986 111.177
2011 5 405 131.735
2012 5 362 131.927
2013 4 562 127.573
2014 3 470 109.024
2015 2 755 97.704

Source : Observatoire Economique de la Pêche et de l’Aquaculture de Madagascar, 2015

Tableau 1 : Productions en tonnes de crevettes entières des fermes crevetticoles

La crevetticulture a également subit la crise de la filière et sa production a commencé à chuter à partir de 2008. Cette crise est surtout due à des facteurs exogènes liés à l’augmentation croissante du prix du pétrole et à la baisse du prix de la crevette concurrencée par la petite espèce d’élevage vannamei sur les marchés internationaux. Elle a entraîné la fermeture en 2009 de deux fermes aquacoles, celles de SOMAQUA de Boanamary et de l’Aquaculture de Crevettes de Besalampy (ACB).

En Mai 2012, l’Office International des Epizooties (OIE) a déclaré Madagascar atteint par le virus du White Spot ou le White Spot Syndrome Virus (WSSV) suite à la confirmation des analyses des crevettes de la ferme d’AQUAMEN E.F.

Cette ferme localisée dans la région de Morondava est la première atteinte par cette maladie à Madagascar. En Août et Septembre 2012, trois autres fermes malgaches, AQUAMAS, AQUALMA, et MARIMA, situées plus au Nord ont été également atteintes.

La propagation de ce virus dans les eaux du Canal de Mozambique a entrainé une chute de production des crevettes d’élevage à partir de 2013 (tableau 1) et la reconversion de certaines sociétés crevetticoles.

En 2016, seules trois sociétés sont opérationnelles dont deux en production. La troisième est en cours d’essais de redémarrage.

Une gestion préventive pour assurer la durabilité…

Le premier texte régissant la gestion de l’aquaculture est l’Ordonnance n°93-022 du 04 Mai 1993, portant réglementation de la pêche et de l’aquaculture, notamment son article 2 qui donne la définition de l’aquaculture et des établissements d’aquaculture et son article 15 qui précise les obligations des promoteurs.

Afin de poursuivre le développement de cette nouvelle activité sur des bases responsables et durables, le Gouvernement malgache soutenu par l’Union Européenne a réalisé entre 1999 et 2001 le Schéma d’Aménagement de l’Aquaculture de Crevettes à Madagascar (SAAC), associé à un Code de Conduite.

A partir de ce schéma d’aménagement, qui constitue un cadre de programmation, d’accompagnement et de contrôle de l’aquaculture de crevettes, la Loi n° 2001-020 du 12 Décembre 2001 portant développement d’une aquaculture de crevettes responsable et durable a été publiée.

Les zones côtières et marines malgaches sont exemptes d’épizooties. Mais conscients qu’une telle activité reste confrontée potentiellement à des risques qui ne pourront être maîtrisés qu’en apportant une grande rigueur dans la conception et la gestion des élevages, le Ministère en charge de l’Aquaculture et le GAPCM ont organisé conjointement une conférence internationale sur « La Crevetticulture Responsable » à Antananarivo, en Décembre 2002. Cette conférence, qui est le premier du genre à Madagascar, a vu l’intervention d’experts de renommée internationale. Il a eu pour objectif de présenter, d’une part les réalisations de l’aquaculture de crevettes à Madagascar et, d’autre part, la situation de cette activité dans le monde en mettant en exergue les dernières avancées dans les domaines de la technologie, de la santé animale, de l’alimentation et de la recherche. Les aquaculteurs malgaches ont pu bénéficier durant cette conférence des expériences 

et savoir-faire venus de l’extérieur mais aussi ont pu tirer des leçons sur les risques sanitaires encourus et les précautions nécessaires pour assurer la durabilité de leurs activités.

En 2007 et avec l’appui de l’AFD, un dispositif d’épidémio-surveillance a été mis en place et le premier document de référence sur l’écocertification des fermes crevettières de Madagascar a été finalisé en partenariat avec WWF. Dans le cadre du Shrimp Aquaculture Dialogue (Shad), deux représentants des entreprises crevetticoles malgaches ont participé depuis 2008 aux dialogues initiés par WWF et la FAO au niveau régional. Ils sont devenus membres du Global Steering Commitee (GSC), organe chargé de rédiger un cahier des charges commun à tous les systèmes d’élevage utilisés dans le monde. Ils ont été élus pour représenter Madagascar dans le Regional Steering Commitee (RSC) Afrique. L’AFD a appuyé financièrement leurs participations à ces dialogues.

La crevetticulture artisanale/familiale : une expérience à reprendre ou à revoir ?…

Selon la politique du Ministère en charge de l’Aquaculture qui est de rendre accessible l’aquaculture de crevettes aux opérateurs nationaux notamment à ceux du secteur artisanal, le Centre de Développement de la Culture de Crevettes (CDCC) a été créé à Mahajanga avec l’appui du Gouvernement Japonais en 1998. Il a eu comme mission la formation et l’appui technique des aquaculteurs nationaux pour la promotion de la crevetticulture à petite échelle. En 2000, vingt d’entre eux se sont regroupés dans l’association Ezaka pour créer la ferme AQUAE ; les autres ont préféré construire leurs propres fermes individuelles (SEBAM, AQUABEL, SYLVAIN’s POND et AQUANTSAHA) occupant des surfaces inférieures à 50 ha et se trouvant à proximité de la ville de Mahajanga.

Cependant, ne bénéficiant ni d’appui financier ni de crédit à des taux d’intérêt qui soient à leur portée, seules deux fermes artisanales ont pu exercer. La totalité de leur production qui est de qualité médiocre était écoulée à bas prix auprès des sociétés de pêche et/ou de collecte de Mahajanga. Peu rentables ces fermes ont finalement disparu. A noter que le « Groupement des Aquaculteurs Artisanaux de Madagascar » (GAAMA) créé officiellement en 2002 et qui regroupait 40 anciens stagiaires du CDCC, a à peine existé.